sábado, diciembre 01, 2007

EN "LE MONDE": 01-12-2007

La "révolution bolivarienne" n'est pas parvenue à réduire la dépendance à l'égard du pétrole
LE MONDE | 01.12.07 | 14h01


Noublie pas d'apporter du sucre et du lait en poudre", dit Julia Hernandez, avant de raccrocher. Sa fille, étudiante à Bogota, va venir à Caracas pour voter non, dimanche 2 décembre, au référendum sur la réforme constitutionnelle du président Hugo Chavez. A l'aéroport de Maiquetia, qui dessert la capitale vénézuélienne, José fait ses affaires. Aux voyageurs qui débarquent, il offre discrètement 5 000 bolivars pour 1 dollar, alors que le cours officiel est à 2 150 bolivars. José revendra ses dollars 10 % plus cher "à un type qui voyage souvent aux Etats-Unis".
Dopée par l'argent du pétrole et les dépenses publiques, l'économie vénézuélienne continue d'afficher un taux de croissance à faire pâlir ses voisins. Il pourrait dépasser les 9 % fin 2007. Toutefois, les problèmes d'approvisionnement, le marché parallèle de devises et l'inflation - supérieure à 16 %, un record en Amérique latine - reflètent les déséquilibres d'un marché que l'Etat tente de réguler.
"La réforme constitutionnelle, si elle est approuvée, ne fera qu'aggraver la situation", juge l'universitaire José Guerra, promoteur d'un "manifeste des économistes". Les signataires s'inquiètent de "l'économie socialiste" aux contours mal définis que prétend instaurer le nouveau texte, en octroyant de larges pouvoirs à l'exécutif.

L'inquiétude porte sur le moyen terme. Pour le moment, les caisses de l'Etat sont pleines, le secteur de la construction progresse, la consommation explose, le chômage est baisse et la part de l'emploi informel diminue - même s'il concerne encore plus de 40 % des Vénézuéliens. Selon un récent rapport de la Commission économique pour l'Amérique latine (Cepal), la pauvreté a chuté au Venezuela de 31 % au cours des neuf ans du gouvernement Chavez. "Et certains se demandent encore pourquoi Chavez reste populaire", ironise un fonctionnaire de la Cepal.
Cependant, les produits de première nécessité manquent dans les rayons des supermarchés. Le gouvernement incrimine les spéculateurs. Les producteurs et les importateurs accusent, eux, le contrôle des prix et Mercal, le réseau de distribution de produits alimentaires à des prix subventionnés.

"Pour ne pas vendre à perte le sucre aux consommateurs, les producteurs préfèrent le vendre à l'industrie agroalimentaire, qui en fera des bonbons ou des boissons gazeuses, dont le prix n'est pas contrôlé", explique l'universitaire Miguel Gonzalez. L'importation de lait n'est plus rentable pour les opérateurs privés et l'Etat peine à prendre la relève. "Les problèmes d'approvisionnement restent sporadiques, mais ils ont le don d'exaspérer les gens, qui y voient le symbole de l'inefficacité et de la corruption qui règne au sein de l'Etat", note M. Gonzalez.

PASSAGE AU "BOLIVAR FORT"

La réforme agraire annoncée par M. Chavez a semé la panique chez les grands propriétaires terriens, sans réussir à réduire la dépendance alimentaire du Venezuela, qui continue d'importer plus de 70 % de ses besoins. L'augmentation des revenus des milieux populaires s'est traduite par une hausse de la consommation de certains produits, comme la viande et le lait. Inquiètes de l'avenir, les classes moyennes préfèrent consommer des voitures ou des dollars, plutôt qu'épargner dans une monnaie dépréciée.
Le passage au "bolivar fort", le 1er janvier - quand la monnaie nationale perdra trois zéros - ne suffit pas à rassurer. Les investisseurs nationaux et étrangers se montrent pour le moins frileux. "La désindustrialisation du pays est dramatique", souligne José Guerra.

Le gouvernement met en avant l'exceptionnelle croissance du secteur non pétrolier, qui, depuis 2004, progresse plus rapidement que le pétrolier, en déclin relatif. Les chavistes y voient un succès de la "révolution bolivarienne", qui s'est fixé pour objectif de réduire la dépendance pétrolière du pays. Le pétrole représente toujours 27 % du produit intérieur brut, 47 % des recettes de l'Etat et 90 % des exportations.
A en croire Domingo Maza Zavala, qui fut jusqu'à 2006 directeur de la Banque centrale, la contraction du secteur pétrolier hypothèque à terme le développement du pays. Pour financer ses programmes sociaux, le gouvernement puise dans les réserves de l'entreprise publique Petroleos de Venezuela (PDVSA), qui n'a pas retrouvé le niveau de production antérieur à la grève de 2003 et qui ne réalise pas les investissements nécessaires à son maintien.

Faute d'une politique économique et industrielle cohérente, juge M. Maza Zavala, le Venezuela est aujourd'hui "plus vulnérable, plus instable et plus dépendant du pétrole qu'hier".
M. Ds

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